Pauline Curnier-Jardin
paulicurnier [at ] hotmail [ dot ] com
http://www.paulinecurnierjardin.net/

Rapiècements narratifs, rébus géographiques et autres aventures du langage

Il me semble que je suis conteuse mais que je n’ai pas choisi ce terme. Mon travail est d’écrire mais je ne suis pas écrivaine. Ce sont pourtant des histoires que je décris ou que je cherche à faire voir, des aventures que je veux raconter au mieux. Ces aventures, je les cherche n’importe où, dans mes souvenirs, dans mes rêves et dans ceux des autres. À l’étranger et dans les langues étrangères, dans les lignes des uns, dans la bouche des autres, dans les mythes, les chansons, les légendes populaires, dans l’Histoire écrite et l’anecdote, dans les objets, dans les corps, dans les images et les sons qui surgissent dans le réel. C’est un collage amoureux, un monde rapiécé avec du rire pour cacher la nuit. L’ennui. Ce travail est fragmentaire. La recherche est minutieuse. Les visions sont volatiles. Les requêtes sont vaines mais leur chemin merveilleux. J’aime les héros et les héroïnes, le trépas et la victoire et je trouve les perdants et les perdantes magnifiques. Si «l’aventure est la forme nécessaire de la fiction»*, j’essaie, moi, obstinément d’en faire une matière. Je vois et entends le récit dans n’importe quoi et attends une rencontre, un émerveillement qui apparaîtrait alors comme une vision. Je pioche et imprime ces fragments disparates, je donne un rôle à chacun d’eux et crée ainsi un récit. Chaque figure dans mon travail est une bribe de fiction, un élément d’un puzzle ou d’un rébus.
Toutes ces aventures, je les montre depuis le début sous différentes formes, dans mes dessins, dans mes films, dans mes chansons, performances et autres collaborations communautaires et artistiques. Mes performances font ordinairement l’inventaire de cet éparpillement, réunissant dans un récit sur scène tous ces éléments et formant ainsi une histoire souvent aléatoire, bancale, épique, absurde, drôle, comme ce qu’il advient des évènements de la vie.
Car enfin si j’use souvent de mot-valises, de personnages-valises, de paysage-valises même, de tous ces monstres et hybrides sémantiques fourmillant dans les images, c’est peut être par nostalgie de formes anciennes, primitives, moyenâgeuses. Ces formes où crûment le surnaturel, le spirituel, l’informe et la cruauté souffletaient les visages du spectateurs avec complicité. Je tâche de laisser à toutes les figures que j’utilise la conscience de leur propre représentation, qu’elles puissent en jouer, se moquer d’elles-même et de nous qui les regardons. Je cherche l’empathie. Je cherche à parler le langage des monstres par peur d'être "des leurs".
Je pense la poésie comme seule façon d’appréhender le monde et le rire fait pour survivre.
* Robert Louis Stevenson, écrits sur la fiction

KazaKKazaK liens éditions contact & participation