Mickaël Phelippeau
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Sous bi-portraits ? Deux démarches – pas si étonnant. Il y a photographie et danse. Ou plutôt : photographie puis danse. Une centaine d’ instants saisis pour un moment déployé : bi-potrait Jean-Yves.
La série photographique de Mickaël Phelippeau commence avec la mère de l’artiste, et s'il n’y a pas de volonté de collectionneur de la part de l’artiste, le protocole s’ajuste autour de la rencontre, de la question de ce que serait le déclencheur d’une rencontre. Il y eût d’abord un intérêt professions spécifiques : hôtesse de l’air, boulangère…, avec déjà sous-jacente la question du costume  - donc de la scène. Puis hasards de promenade. Des refus d’abord nombreux - désormais des demandes. Car le protocole, simple, n’est pas si anodin. Il s’agit d’un échange de vêtements. Tu t’sens bien dans tes baskets, toi ? En fait de baskets, il s’agit, monotypique, pour Mickaël Phelippeau, d’une chemine jaune. Il y a cadrage spécifique, acculant dans un coin - quotidien de l’autre. Pour quel hors-champs ?
bi-portrait Jean-Yves, pièce chorégraphique de 55 minutes présentée à Lelabo à Paris, n’apporte de réponses qu’à cette rencontre-ci. Jean-Yves est prêtre dans l’église de Bègles, proche du TNT à Bordeaux, où Mickaël Phelippeau était en résidence de création. Hasard de la vie, rencontre, entente, bi-potrait dans l’église : aube contre chemise jaune, coin proche de la porte du presbytère – décor de l’église ? Au-delà d’un échange riche et nourri avec Jean-Yves, Mickaël Phelippeau eût cette intuition qu’opérer le passage d’un instantané à un moment pouvait se réaliser avec une personne ayant déjà une expérience du rapport à un public – et si d’autres bi-portraits dansés adviennent, sans doute cette piste de travail transverse, permettant de conjoindre, sera exploitée. Le texte de la performance le souligne :

Mickaël : " (…) Tu as l'habitude de te montrer comme ça au public d'habitude ? "
Jean-Yves : " Non ! En général je suis debout, sur mes deux pieds et face aux gens ! "

Ce jeu de questions-réponses continue durant toute une première partie, après avoir chanté, face au sol Like a prayer (Madonna). L’humour, allusif, léger, ne départ pas alors même que certains moments sont graves – plus tard, dans une partie injonctive, où l’un montre à l’autre, l’expérience du partage que propose Jean-Yves, son regard droit dans les yeux d’un puis un puis un autre spectateur est douce et terrible. Le rapport au corps n’est jamais désincarné. Banalité si l’on ne se souvient pas de la profession qu’exerce Jean-Yves. Des postures en référence à la liturgie existent simplement - croix des deux corps lors d’une succession de roulades par exemple. Mais c’est à la croisée, pas de doutes, que la rencontre s’opère, balance constante entre les deux hommes. Impossible de décrire l’émaillage que Mickaël Phelippeau a réussi, dans les dialogues et dans les corps, à réaliser. D’émouvantes surprises à chaque instant. Et le temps fait son œuvre : la réflexion s’ancre dans le rapport à ce qu’être face, ce que portent les codes de la représentation. Apparaît l’aube, en jouer le rend plus encore outil du spectacle. Détourner les codes, sans grotesque, ni ceux de la danse, ni ceux, nombreux, de l’espace de célébration catholique. L’espace scénique devient aussi, peut-être, ce coin des bi-portraits photographiques - mais verso côté Mickaël Phelippeau. La question du hors-champs est intégrée. Film introductif, portraits filmés puis diffusion de sons à l’extérieur du lieu de spectacle. Finalement des clés simples, traduisant une compréhension effective de qui a été invité et du lieu où la restitution s’opère. Ouvrant au sensible - si difficile à rendre en mots quand palpable face face.

- Anne Kawala, juillet 2008

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